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A la découverte du matrimoine, cet héritage des femmes oublié de l’histoire

La médiatrice culturelle Carla Caucotto dédie, à Fribourg et à Bienne, une conférence à ce mot méconnu désignant les biens (im)matériels hérités des femmes. Pour proposer «un autre regard» sur le passé

Carla Caucotto signe également des illustrations engagées, visant notamment à rappeler à la mémoire collective des artistes passées sous le radar de l'histoire. — © Kokito
Carla Caucotto signe également des illustrations engagées, visant notamment à rappeler à la mémoire collective des artistes passées sous le radar de l'histoire. — © Kokito

Matrimoine. Le mot n’est pas sorti d’un chapeau. Et la médiatrice culturelle Carla Caucotto est bien décidée à redorer le blason de cette notion passée sous le radar de l’histoire avec un grand H. «Il s’agit des biens (im)matériels hérités des femmes. Ce terme a existé dès le Moyen Age. Il refait surface aujourd’hui, porté principalement par les mouvements féministes», présente la Lausannoise. Après deux dates vaudoises, cette dernière met le cap sur Fribourg et Bienne, où elle donnera les 4 et 11 mai une conférence ouverte à tous, historique et sourcée, sur le parcours de ce mot et son interprétation actuelle dans le domaine de la culture.

Cantonné à la sphère privée

C’est au détour des Journées du matrimoine de Bruxelles que Carla Caucotto découvre cette notion – à travers la figure des béguines, ces «femmes très libres vivant en communauté au Moyen Age» et possédant leurs propres règles urbanistiques. L’étudiante suisse décroche alors un stage dans l’organisation de ces Journées et dédie son mémoire au matrimoine dans le secteur culturel.

Le mot «matrimoine» apparaît en 1408 sous ce terme exact. «Cela désignait les bien matériels hérités de la mère lors d’un mariage, rembobine la médiatrice culturelle. Puis, à l’inverse de «patrimoine» qui a gagné une dimension identitaire et publique, le «matrimoine» reste cantonné à la sphère privée. On parle d’agences matrimoniales par exemple». Ce parcours, continue la Vaudoise, est à lier à l’évolution de la langue française, durant laquelle «nombre de mots féminins, comme «autrice» ou «peinteresse», ont été rayés du vocabulaire». L’idée qu’une femme puisse être créatrice, qu'elle transmette un savoir et des biens «est apparue comme dérangeante», dit-elle.

«Outil critique, politique et citoyen»

On saisit alors la portée politique de ce terme vu comme un «outil critique». Pour pointer les «disparités», porter «un autre regard sur l’histoire». A celles et ceux qui craindraient une forme de remplacement du patrimoine par le matrimoine, Carla Caucotto répond que ce dernier n’est pas «une fin en soi», mais une «manière de rendre leur juste valeur» à celles qui ont, aussi, construit la société.

La conférencière féministe, également illustratrice engagée, alerte aussi sur le présent. Sur la «nécessité citoyenne» de considérer ce que l’on possède avec le regard du matrimoine: «On doit reconnaître l’apport des femmes dans notre société: nommer davantage de noms de rue à leur effigie, les intégrer dans les livres d’anthologies, que les politiques d’acquisition des musées y soient sensibilisés… Et prendre sa place, si on est une femme.»


«Penser le matrimoine» , conférence de Carla Caucotto. A Fribourg, librairie L’art d’aimer, le 4 mai à 18h30. Inscription à librairie@art-aimer.ch. A Bienne, bibliothèque La Bise, le 11 mai à 18h30. Inscription à labise.contact@gmail.com. Durée 1h. Dès 16 ans.